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Pollution visuelle – Pollution mentale

Graffeur dans les Hauts-de-France

Pollution visuelle – Pollution mentale

Pollution mentale

A l’instar de la publicité, les tags et autres graffs du writing sont sujets à être considérés comme de la pollution visuelle. On le constate facilement dans les interviews de gens lambda de micro reportages d’un journal télévisé, ou encore dans les commentaires d’articles sur un vandal qui s’est fait pété après dix panels dans le même podé sur 7 jours glissants. Les avis sont plutôt hostiles et le mot pollution visuelle revient fréquemment.

Ce sont des gribouillis et il y en a absolument partout…

Contrairement au tag, dans la publicité, tout est cadré et planifié dans des conventions avec les uns et les autres et des espaces ou des temps publicitaires sont alloués. Celui qui veut poser sa pub va certainement devoir réserver et payer quelque chose et être soumis à des régulations concernant le visuel.
Sauf si tu t’en bas les boules, que tu t’appelles Zavatta ou alors que tu organises un meeting motocross de narvalo ou encore que tu tapes des missions en scred pour coller des affiches vandales pour le prochain concert de Céline Dion parce que t’es un fan déboussolé.

Pollution Visuelle Graffiti

La pub qui recouvre le graff qui recouvre la pub.

Dans le writing, ce n’est pas pareil que dans la pub. Comme le writer n’est pas payé, mais plutôt l’inverse, il ne prend pas le temps de faire 18 réunions avec un comité de pilotage, le CSA, l’urbanisme et JC DeKro pour s’allouer un espace. Ce qui semble plutôt désespérant et injuste pour les sociétés qui paient souvent cher ces mêmes espaces.

En tant qu’être humain, le writer pourrait partir du principe que tout est déjà pollution visuelle. C’est-à-dire la ville en elle-même, la lumière qui l’empêche de voir la voie lactée à ne même plus en savoir ce que c’est. Les pubs dégueulasses partout, le béton etc. On en a parlé 1000 fois sur 90BPM et autres, inutile d’épiloguer sur ce sujet.

Alors, il se dirait quitte à ce que cela soit pollué d’un point de vue visuel, autant peindre les murs tellement fort que ton voisin qui bosse chez desigual en convulse dès qu’il met le nez dehors. 
Bon ça c’était si le graffeur lambda avait un cerveau. Les trois quarts, la démarche c’est « pour représenter, on est al  TAVU, ACAB, nik lé fo, ouais ouais ». Ou l’inverse le hipster qui vient à 23 ans avec sa mère dans un shop pour qu’elle lui paie ses chromes et qui dira “Ouais tu vois, ma vision c’est que les gens ils partent travailler le matin, mangent et vont se coucher. Tu vois ça me permet de m’évader du système entre deux braderies.’

Au passage, croire que dans le graff on est encore dans les années 90 à se comporter comme dans un clip de rap et parler comme un Johnny, c’est caricatural. Aujourd’hui ça serait ridicule, tout le monde est posé et les anciens encore dans le game font preuve d’intelligence

Le game étant tellement parti en cacahuète que tu retrouves des potes du graff abonnés à des pages du style les français d’abord, esprit patriotique etc… Alors les Donnovan calmez vous quand vous croyez rejoindre une activité de gangsta que serait le graff:

 

« I’sprend pour qui hada. Shouf lui il écrit dé truc sal sur lé graffeur. Il croivait avoir inventé l’eau chaude ou quoi lui ? En plus c’est un toy, yé lai a mor. Y’est à perte tin couzin »

Tu as raison Donovan, je rappelais certains faits pour en arriver à la suite : la pollution mentale.

On peut dire que la pollution visuelle est quasiment caduque. Il y a tellement de fresques légales et d’affiches street-art iconiques que tout le monde a pris gout au graff. Tu peux taper un store en pleine journée et dire aux passant que c’est légal, ils vont tous s’extasier, limite le proprio avec. Il reste juste le tag qui a encore du mal à passer.

Le plus pollué, reste le writer.Je voudrais partager avec vous en quoi le graffiti, et en général toutes les activités urbaines changent une personne à tout jamais et modifient sa pensée de façon irréversible.

Quand je commençais à m’intéresser au writing, j’avais remarqué que la génération avant la mienne qui pratiquait cette discipline avait toujours un autre truc à côté. Y’avait le feurgra qui faisait de la danse HIP HOP, l’autre du BMX, l’autre du RAP ou encore du skate. Même plus tard, j’ai toujours vu qu’une autre passion complétait celle du writing ou l’inverse. Je pense simplement que trainer sur des spots de telle ou telle activité te fait rencontrer des gens qui peuvent te faire découvrir une activité urbaine que tu ne connaissais pas, surtout avant internet.

Pour moi, c’était le skate, vu que les grands de mon coin faisaient du skate en parallèle au graff.

Aussi loin que je me rappelle skate = tag, l’un n’allait jamais sans l’autre. Enfin en tout cas au début et là où j’ai commencé. A 12 ans, quand tu apprends à skater avec tes potes sur le parking du collège Jean Zay, tu es dans une démarche sportive et bon enfant. Tu as jamais vu un spot de ta vie et les seules références que tu as c’est une K7 de 411VM #33 que, Kore DVD (qui faisait un autre blaze à l’époque…) t’as prêté et que ton voisin qui a deux magnétoscopes t’as copié.

Ça parait bidon de voir ça aujourd’hui, car il y a des milliers de vidéos 4k sur le sujet, mais à l’époque on savait pas du tout ce que c’était de faire du skate. Ça faisait déjà quelques mois qu’on se réunissait tous les soirs et monter une bordure c’était l’exploit du jour. On avait aucune idée de ce qu’on pouvait faire avec un skate, il n’y avait pas tout cette hype, ni le côté cool de la pratique. Imaginez le choc quand on a vu cette vidéo. C’était à base de mimer les gestes des tricks en sautant dans le canapé. A faire des ralentis à base de pause/play et le daron qui te dégage car il veut mater telefoot.

Après l’avoir regardé, analysé tous les matins et soirs pendant 6 mois, tu sais faire trois tricks trop mal, mais tu t’en fous tu as 12 ans, tu tapes des tags au stylo bic partout et quand tu as chouré deux bombes à CATENA tu as l’impression d’avoir fait le casse du siècle. Pour finir sur des pièces improbables contours directs dégueulasses sur des murs ultra triquards.

Il n’y a aucun shop pour le skate, le graff, pas de skatepark. Y’a le tremplin de ton pote qu’il a fabriqué avec son père et 3 palettes que tu as chouré avec le crew dans la zone industrielle sur lesquelles Gaétan perdra une dent de devant. Les riverains qui pètent des plombs avec le bordel et le bois partout et qui te confisquent ton matos, pour que ça finisse en embrouille darons contre darons. Du coup tu cherches des spots avec ton possee, et comme tu n’habites pas en centre ville, tes premiers spots sont tellement pourris qu’ils auront raison de ta mâchoire, de ton nez, tes genoux et tout le reste. Tu vois des anciens de ton quartier de temps en temps qui te font un kickflip et un tag sur ton skate et c’est le plus beau jour de ta vie tellement t’es impressionné. La belle vie quoi. Tes seuls soucis, faire semblant d’avoir fait tes devoirs et pas louper dragon ball z.

TA DENT

 

 

Un mercredi ton voisin vient maraver ta porte à 8 heures pour te dire qu’il y a un skatepark dans ta ville. A 9 heures tout le monde est au courant et on monte une expédition pour voir le premier skatepark de notre vie, comme dans les vidéos, on n’y croyait pas. C’était le skatepark de base, genre un truc de city stade mais pour nous c’était genre le truc ultime.

Et puis comme le graffeur rencontre des connards, les petits skateurs ont rencontré les skateurs stéréotypés. Et bien on a vite déchanté. Le skatepark en lui-même, c’était super, mais nous avons rencontré d’autres skateurs et là ça s’est mal passé.

On a découvert que le skate pour certains était un plus un lifestyle qu’un sport, qu’on pouvait avoir des skate de ouf sans savoir en faire, sans même en faire vu que la plupart venaient se poser pour boire des bières. Avec nos survets de Chinois et nos pompes Atemi on avait en face ceux qu’on appelait entre nous les « KORNMAN », qui nous prenaient pour des crapets, et qui travestissaient ce que nous étions : des sportifs passionnés. On s’est rendu compte qu’on avait en face de nous des mecs cheloux, un peu racistes et qu’on embrouille facile (désolé pour les vols de planches mais au moins elles auront servi..). Au point où nous même, passions pour des baltringues parce qu’on avait un skate dans les mains. Nous avions découvert d’autres skateurs avec qui il était impossible de se mélanger tant nos nos visions étaient incompatibles.

Pour ma part ça été la fin du fun dans le skate. Je pense vers mes 13-14 ans. On a quand même finalement rencontré d’autres skateurs avec qui s’est installé un gros esprit de compétition et d’égo, ce qui nous a fait beaucoup progresser et trouver de nouveaux spots moins fréquentés par les autres. Des spots en centre ville. Mais mes potes d’enfance avaient tous arrêté depuis longtemps, il n’y avait plus cette saveur des premières années ou l’on apprenait mal les tricks qu’on ne savait même pas prononcer.

Comme le gars du parkour, tu peux pas te contenter de ton spot que tu maitrises parfaitement, il faut faire quelque chose de plus hardcore à chaque fois. La recherche du spot. Trouver le bon handrail pour rentrer un tricks impossible revient à la même chose que chercher le mur le plus prestigieux à peindre relève du quotidien du skateur ou du writer.
Nous devenons de plus en plus exigeant avec la ville car ici ça roule mal, y’a pas d’élan, c’est trop haut, trop bas, le mur est pas très visible, y’a pas beaucoup de passage, c’est un coupe gorge. Qui sera la premier à ramasser ses dents en skate ou se faire masser fortement au tonfa après un bombing mal repéré?
Des rêves pleins les yeux pour chacun d’entre eux ! Tu as l’impression d’être Bart dans ta console qui peint la ville en rouge sur son skate. Qu’est ce que tu veux de plus pour être épanoui?

BART GRAFFITI

 

J’ai arrêté le skate à mes 18 ans, c’est-à-dire il y a presque 15 ans. Je peux vous dire que je n’en ai plus rien à secouer du skate. Normalement je ne devrais plus y penser du tout à part quand je croise un skateur. Surtout que j’ai l’esprit occupé par d’autres activités professionnelles ou pas.

Et bien je peux vous affirmer que mon cerveau est littéralement encore parasité par le skate! Partout ou je vais, je suis précédé par l’ombre du skateboard.

Je pars voyager? Je découvre des lieux incroyables dans mes voyages, comme quand je suis au pied d’un grand Bouddha. Quelqu’un peut m’expliquer ce que ce handrail parfait fait placé là et pourquoi je m’imagine faire un crooked grind? Pourquoi en réunion je matte les marches devant la mairie par la fenêtr au lieu d’écouter? Pourquoi les aéroports se transforment en spot géant dans ma tête? Parfois j’en veux même aux concepteurs d’escaliers dans ma tête de pas avoir rendu le lieu ridable, comme si ils en avaient quelque chose à foutre, et comme si j’en avais encore quelque chose à foutre du skate. Ça me revient tout le temps… Même aux enterrements putain!

Pollution mentale

 

Alors imaginez pour le writing qui fait parti de mon quotidien depuis tout ce temps. C’est impossible après tout cela de penser normalement. C’est de cette pollution mentale dont je parle. A partir d’un moment il devient impossible de penser normalement. Un grand mur lisse bien blanc, sérieusement ça vous évoque quoi?

J’avais fait une soirée à Lille chez quelqu’un qui habitait juste derrière la VF avant la gare. De son appartement on voyait tous les TER arriver, des fret passer. La personne se plaignait du bruit crispant des trains. Je lui disais ‘t’es ouf c’est trop bien, si j’étais toi je resterais pendu à la fenêtre toute la journée », les gens bien entendu me regardaient comme un OVNI. Écrasement de tête.

Je dois être le seul gars de ma ville qui est content quand le passage à niveau se ferme juste devant moi. Un trajet en voiture ? Je connais tous les graffs sur chaque pont, chaque mur et dès qu’il y en a un nouveau je le vois à 500 mètres car quelque chose d’inhabituel perturbe mon champs de vision. Tout ce que je vois, c’est à travers le prisme de quelque chose. Je suis devenu ce que je faisais. Un peu comme le type de Gremlins 2 qui filme tout, je deviens moi-même un graffiti ou un trick.

J’imagine alors que le fan de tunning regarde les jantes de tout le monde, le champion de boxe s’imagine combattre chaque personne qu’il croise, le mec tout le temps bourré analyser chaque devanture de supermarché. Je n’ai pas encore trouvé d’utilité à tout cela, ce besoin primaire de détourner  mon environnement. Et vous?

 


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